Song Sora est la fille unique de ses parents né pendant l'hiver 1997 à Incheon. Son père est biologiste et sa mère était écrivaine pour enfant. Sora ne se rappelle pas vraiment sa mère, car celle-ci tomba très malade peu de temps après sa naissance. C'était un cancer qui ne fut pas traité suffisamment en avance pour pouvoir la sauver et elle finit par mourir alors que son enfant n'avait que trois ans. Il ne reste que des brides de souvenirs à Sora concernant sa mère et des milliers de photos que son père a accroché partout dans la maison. Elle se rappelle qu'elle avait un beau sourire, quoique plutôt triste et que sa peau avait l'odeur de la vanille, un parfum qui agit comme une madeleine de Proust pour la jeune femme encore aujourd'hui. Son père ne s'est jamais remarié malgré les insistances de la grand-mère paternelle de Sora et il a élevé seul l'enfant avec l'aide de ses parents. Sa grand-mère s'est substituée au rôle de mère et elle est restée longtemps le seul pilier féminin de Sora. Bien que né à Incheon, la jeune femme n'y a pas passé son enfance. La maison de ses grands-parents où elle vivait avec son père, se trouvait en périphérie de la ville, dans un lieu qu'on aurait facilement pu qualifier de campagne, bien que c'était très accessible vers Incheon grâce aux transports en commun. Sora adorait cette maison avec ses bruits et ses odeurs bien à elle. Ce qu'elle aimait le plus c'était le bruit de la pluie qui tombe sur le toit. Sa grand-mère avait coutume de dire que la pluie permettait de tout redémarrer dans la vie. Elle aimait cette idée.

Tout près de chez eux, vivait une autre grande famille n'ayant que des fils. Ils furent les premiers camarades de jeu de Sora. Ils l'avaient adopté dans leur petite fratrie et la voyait presque comme leur petite sœur, car elle était la plus jeune de tous les enfants. A leur contact et avec l'éducation offerte par sa grand-mère et son père, la jeune fille s'épanouit comme une fleur et grandit entouré d'affection et d'attention. Bien sûr tout n'était pas toujours rose. Elle voyait bien que son père s'enfermait parfois dans ses sombres pensées pleurant toujours la mort de son épouse et sa grand-mère n'était pas une femme facile ou patiente. Quant aux garçons, ils aimaient bien Sora, mais dès que la distinction fille/garçon leur apparu, elle se sentait parfois exclu de leurs jeux. Cependant, dans l'ensemble elle n'avait pas vraiment à se plaindre de la vie qu'elle menait. Les épisodes les plus difficiles à vivre étaient toujours l'anniversaire de la mort de sa mère. Ces jours-là, il lui semblait que même la pluie ne pouvait pas lui apporter du réconfort. Tout était noir et sombre et l'humeur des personnes de la famille n'était pas la meilleure. Il fallait se rendre à pied à la tombe de sa mère et apporter les présents qu'on apporte généralement à ce rendez-vous. Son père se tenait toujours droit. Il ne parlait pas et ne pleurait pas, mais il avait l'air d'être comme mort à l'intérieur. Sora avait toujours peur lorsqu'elle le voyait comme cela. Pour se part, elle se sentait triste, mais ce n'était pas le même genre de tristesse, puisqu'elle l'avait peu connu. Heureusement qu'au retour, ses voisins étaient toujours prêts à venir la chahuter pour lui faire oublier ses tristes instants.

Lorsque la jeune enfant qu'elle était commença les études, elle se rendit vite compte qu'elle avait du mal à se faire des amis. Sans la présence de ses voisins, elle se serait vite senti bien seul. Sora s'estimait chanceuse de les avoir connus aussi jeune et que leur présence lui permettait de ne pas se retrouver toute seule. En vérité, ils lui permirent de s'intégrer d'une certaine manière, à chaque étape de ses études. Même si cela lui pesa au début, elle ne se laissa jamais aller à considérer cela comme un état de fait. Il y avait plein d'autres choses intéressantes à l'école à faire, ne serait-ce que d'apprendre de nouvelles connaissances. Son père avait instauré un jeu lorsqu'elle rentrait des cours et que lui même était de retour du travail, ils se retrouvaient ensemble dans le salon de la maison et elle devait lui parler de tout ce qu'elle avait appris. Ils en parlaient ensemble pendant un moment. Elle ignorait alors qu'il lui permettait de travailler sa mémoire. Cela lui paraissait toujours n'être qu'un jeu. Il lui faudrait grandir un peu avant de se rendre compte du manège de son père. Plus les années passaient, plus le jeu devenait compliqué et il lui fallait faire preuve de plus d'astuces et de réflexions pour réussir les petites épreuves de son père. Sora adorait ces moments parce qu'il lui permettait de passer du temps avec son père qui était un homme très pris par le travail et qui était aussi inadapté qu'elle, face aux relations sociales. Ils faisaient la paire sur cette question et la grand-mère de Sora avait l'habitude de se moquer gentillement d'eux. C'était des instants comme cela qui restait graver dans l'esprit de Sora.

Une chose changea lorsqu'elle arriva au collège : les hormones et l'adolescence. En effet, il semblait que ses voisins avaient la côte auprès des jeunes filles de l'école. On avait enfin remarqué que Sora était prêt d'eux et qu'elle pouvait servir d'intermédiaire pour atteindre les jeunes hommes. Au début, Sora ne se rendait compte de rien. Elle n'était pas particulièrement attentive à cela. A ses yeux, ses voisins n'étaient que des amis et elle n'était pas très éveillée sur la question de l'amour à ce moment-là. Il fallait avouer qu'elle était un peu naïve. Ces événements lui apprirent vite à ne pas négliger cet aspect. Sora découvrit aussi que les actes d'amitiés sont parfois plus importants que les paroles d'amitiés qui peuvent être parfois fausses. Pourtant, elle était totalement prête à avoir des amitiés féminines. Il ne fallait pas nier néanmoins les avantages d'avoir des garçons dans ses amis. Elle pouvait compter sur eux pour lui apprendre quelques petites choses utiles : capturer des grenouilles, ne pas craindre de se salir et savoir se défendre en cas de besoin, entre autre. Si les garçons étaient comme les trois mousquetaires, elle était leur d'Artagnan. L'âge finit tout de même par les séparer à un moment, puisque les deux frères les plus âgés se retrouvèrent au lycée avant Sora et le plus jeune des frères. Il y en avait toujours au moins un avec elle et c'était déjà suffisant pour la jeune fille. Lors de sa dernière année au collège, elle se rendit compte qu'elle aussi pouvait avoir des sentiments pour quelqu'un. Il était dans une autre classe que la sienne et jouait dans l'équipe de football de l'école. Il lui avait une fois prêté son parapluie pour rentrer et elle avait été touchée par son acte de gentillesse au point de le confondre pour quelque chose de plus important. Le rejet fut difficile à encaisser, mais elle put compter sur son voisin pour apprendre à dépasser le premier amour déçu.

S'il y avait une autre chose que lui avait permis ce premier rejet, c'est aussi de découvrir sa voie : la robotique ! Le joueur de football de son collège était un passionné d'Isaac Asimov, un écrivain de science-fiction américain né russe qui utilisait le terme de robotique dans le roman qu'il lui prêta. Elle fut déçue en amour, mais elle en retira quand même quelque chose. Le roman l'avait touché plus qu'elle n'aurait pu le prévoir. Elle dévora tout le cycle des robots de l'auteur et ce fut une révélation pour elle. Ainsi lorsqu'elle entra au lycée, elle sut qu'il lui fallut donner encore plus d'elle pour réussir. Sora se concentra alors davantage encore sur ses études. On aurait pu croire que cela allait la rendre encore plus solitaire que d'habitude, mais en vérité, c'est probablement la période où elle fut le plus entouré. Il y avait Eun Buyl qui se voyait en futur DJ célèbre, Tae Yeon avec ces airs de petites princesses, mais qui était une vraie crème ou encore Na-mi la survolté qui ne supportait pas le silence. Cela pouvait paraître peu aux yeux des autres, mais pour Sora c'était déjà beaucoup. Les années du lycée passèrent à une vitesse folle. Pourtant, durant toutes ses années de nombreuses choses avaient changé dans le paysage du pays. En 2006, les deux Corée s'étaient réunis et ne formait plus qu'un seul pays : un empire. Si la nationalité n'avait pas changé, le pays s'était fortement agrandit avec cette fusion. C'était censé apporter prospérité et grandeur. Sora n'y avait pas accordé beaucoup d'importance. Elle était au courant des changements, mais ils avaient moins d'incidence dans sa vie qu'un contrôle ou les jeux du soir avec son père. Elle aurait peut-être dû y accorder plus d'importance, mais nul ne pouvait prévoir l'avenir.

Lorsqu'elle fut diplômée du lycée, elle sût exactement que ses résultats lui permettraient d'entrer dans l'école supérieure qu'elle voulait. Tout aurait dû bien se passer. D'autant plus que son voisin le plus jeune était dans la même école qu'elle. Elle savait ainsi qu'elle n'était pas seule. Les autres amis qu'elle s'était fait au lycée ayant choisi des voies différentes. Sora pensait qu'elle pourrait apporter de grandes choses à son pays avec ses connaissances. Séoul était une ville vibrante si différente de là où elle avait grandi. Lors de sa première année, elle avait à peine appris à connaître la grande ville. Elle n'aurait jamais pu prévoir qu'elle se retrouverait sur l'île. Ça n'aurait jamais dû arriver… Pourtant, un soir qu'elle rentrait d'un karaoké avec son ami d'enfance, ils étaient là, prêt à l'attraper dans son dortoir. Elle n'avait même pas eu le temps de dire ouf ou de comprendre la situation. Ce n'est que lorsqu'elle s'était retrouvée sur le bateau qu'elle avait fini par admettre la réalité. Tous les faits étaient là. Elle aurait dû savoir que c'était une possibilité. Ce n'était pas comme si on en parlait pas à la télé et que les rumeurs folles ne courraient pas sur ce qui se passait dans le Nouvel Empire de Corée. Passé les premiers instants de stupeur, son pragmatisme est ressurgit. Il allait falloir qu'elle fasse preuve de particulièrement d'astuce, car Sora n'était pas prête à mourir. Rien que la pensée de ce que cela allait faire comme coup de massue pour sa famille, lui permettait de maintenir sa résolution de survivre. Elle savait que son pauvre père ne s'était jamais remis de la mort de sa mère et que sa propre mort lui porterait un coup sans précédent. Pour lui et pour elle, Sora devait donné le meilleur d'elle-même. Si elle avait mieux regardé elle aurait peut-être vu que sur le bateau, il y avait quelques connaissances… Le futur était devenu tout d'un coup plus incertain.